Chapitre 11: 1976 - Le décès de ma mère

Les beaux jours s'installaient en banlieue.

Les jardins qui cernaient les modestes pavillons étaient en fleurs.
Notre vie quotidienne s'écoulait entre notre travail et mon  "Service".
Le soir du 28 mai 1976, je me trouvais dans le salon en train de regarder la télévision, lorsque je fus pris de tremblements.
Mon corps me rappelait une période où je souffrais de paludisme contracté pendant la guerre d'Algérie.
Le froid envahissant  mon corps, je pris un plaid pour me couvrir.
Puis le téléphone se mit à sonner.
Au bout du fil, mon frère Georges : "François... Maman est morte... ".
Comment a-t-elle pu faire cela, partir sans me prévenir, sans que je puisse réagir.
Je n'avais rien senti. Je n'avais rien perçu...
Je n'avais reçu aucun " message". Aucune "voix" ne m'annonçait ce départ pourtant prévisible car son état de santé se dégradait. Le lendemain nous prîmes la route pour Toulon, ma belle mère nous remplaçant pour assurer la garde de notre fille Valérie et de notre chien Windsor.
Au volant de notre 404 Peugeot, nous avalions les kilomètres qui nous rapprochaient de Toulon, quand, un incident insolite interrompit la monotonie du voyage.
À la hauteur de Fezin, au bord de la route, un camion en difficulté, attira notre attention.
Une fumée dense sortait de la cabine.
Arrivant à sa hauteur, j'aperçus le chauffeur en difficulté pour se dégager des flammes qui commençaient à lécher l'habitacle de son véhicule.
Spontanément, je m'arrêtai après l'avoir doublé et me mis en plein milieu de la chaussée pour ralentir la circulation et demander aux automobilistes s'ils possédaient un extincteur.
Au bout de quelques minutes j'en trouvai un avec lequel j'éteignis le feu qui commençait à brûler dans la cabine.
Le conducteur du camion semblait inerte sur son siège. Peut-être était-il intoxiqué par les fumées ?
Je brisai avec l'extincteur la vitre de la portière et de l'intérieur du véhicule j'ouvris la cabine.
Avec l'aide du propriétaire de l'extincteur, nous sortîmes le malheureux dont le visage noirci semblait avoir été atteint par les flammes.
Il respirait.
La sirène d'un véhicule se faisait entendre au loin.
Les secours arrivaient. Je ne sais comment ils furent sur place si rapidement ? Comment avaient-ils été prévenus, car à l'époque, le téléphone portable n'existait pas ? Bref... sans nous attarder, je repris ma place au volant.
Nous roulions tranquillement vers Toulon.
Rien ne m'indiquait que j'allais vivre un événement d'une incroyable émotion.
Peut-être est-ce l'effet d'avoir assisté ce chauffeur sur la route ? Je n'en sais rien, mais je fus pris subitement de tremblements qui m'obligèrent, à mon tour, à m'arrêter sur le bas-côté.
Je respirai profondément et cherchai à me détendre en sortant de mon véhicule. Mon épouse en fit autant.
Tout à coup, une "voix" familière vint à mes oreilles.
C'était la voix de ma mère.
J'en informai aussitôt mon épouse : "Nouche...Nouche, j'entends la voix de maman."
L'émotion était telle que je n'avais aucune réaction face à cette aspiration qui m'attirait vers le haut.
Je voyais très nettement le visage de maman qui cherchait à me parler.
Ses mimiques étaient une forme de langage "occasionnel " m'indiquant d'engager une discussion avec elle.
Je me mis donc à poser une première question, la première qui me vint à l'esprit, mais bien banale : "Ma... comment vas-tu".
À mon grand étonnement, je reçus la réponse qui devait m'encourager à poursuivre au bord d'une route, une "conversation » des plus insolites.
"Bien, mon fils, je suis bien. Je ne suis pas seule... J'ai revu Nana (sa mère), elle a été contente de me retrouver et moi aussi".
Elle se mit à me décrire avec de nombreux détails les circonstances de son hospitalisation et la manière dont sa transition s'opéra.
" Mais... mon fils, tu le sais... Toi aussi, tu étais avec moi à l'hôpital.
J'étais seule sur mon lit.
Il n'y avait ni ton père, ni tes frères, ni ta sœur, j'étais seule. Mais toi, tu étais là, assis sur le lit au pied"…
Intrigué par ce monologue d'où ne sortait aucun son, si ce n'est une réception de vibrations phonétiques traduites, j'en profitai pour garder la main, si j'ose dire.
Dix années auparavant nous avions perdu un fils Frédéric.
Aussi, curieux de sa possible rencontre avec ma mère, je lui posai très innocemment la question qui me tenait tant à cœur.
"Ma..., puisque tu as vu "Nana", tu pourrais me dire où se trouve notre fils Frédéric... Que fait-il ? ... Il a du grandir maintenant".
La réponse très surprenante me fut donnée instantanément : "Mais non, mon fils... Frédéric c'est Valérie... ! Valérie c'est Frédéric".
Je ne comprenais rien à ce qu'elle me donnait comme réponse. Ce n'est que quelques mois après que je compris le sens de cette réponse qui devait pour le restant de mes jours assurer ma « croyance" en la réincarnation.
D'ailleurs, des événements futurs m'apportèrent cette preuve, en vivant le présent, le passé, l'avenir.
Nous approchions de Toulon. La route fut longue et pénible. J'avais vécu avec beaucoup d'intensité émotive ce voyage et j'étais fatigué.
Lorsque nous rejoignîmes la famille, c'était à celle, ou à celui qui tenait à témoigner de la mort de leur mère.
Ce qui me surprit, ce furent les détails ainsi narrés qui correspondaient à ceux que maman m'avait transmis sur le bord de la route.
J'étais dans le champ d'une vérité émotionnelle telle que j'en pleurai lorsque je fus seul avec Danielle mon épouse.
Rendu à l'hôpital, je tenais à voir la chambre dans laquelle maman avait été installée ;
tout comme à l'hôpital Chalucet, quelques années auparavant.
Maman partageait sa chambre avec une autre malade.
À ma vue, celle-ci me fit signe de m'approcher d'elle et, d’un accent chantant, propre à Toulon et différent de celui de Marseille, me dit : "vous vous appelez Fanfan" ?
En effet, c'était le diminutif qu'occasionnellement maman employait pour m'appeler principalement quand j'étais enfant.
"Vous savez, votre maman m'a beaucoup intriguée.
Avant de mourir, elle s'est levée de son lit, s'est approchée de moi et, se penchant, m'a embrassée en me prenant certainement pour vous".
Elle s'est éteinte, rassurée, consolée, par cette visite que je venais de lui rendre. Mais elle seule, savait et pouvait donner, à cette visite, à son imagination fertile, son sens profond.
Je fus très marqué par ce témoignage.
Ma mère fut pour moi, mon " Maître " initiateur, à son insu. Elle fut l'instrument du Maître, utilisée comme tableau noir pour m'enseigner la vie de l'au-delà.
Elle fut la craie qui servit à écrire dans ma mémoire autant d'événements spirituels et insolites.
Elle fut pour elle même, le chiffon qui a effacé ce qui venait d'elle, ce qui venait du Maître.
Ce départ... cette transition... fut le début de mon évolution dans le mystère de la vie.
Je dois à ma mère, non seulement le fait d'être, mais celui d'avoir été dans le sein même du " Maître initiateur".
Avant de quitter la famille, nous eûmes droit à un repas. Avec frères et belle sœurs, nous étions presque en fête.
Au dessert, je demandai le silence pour leur faire part d'une nouvelle inattendue.
"A table, en ce moment, maman nous annonce qu'il y a parmi nous celle qui donnera, dans neuf mois, naissance à mon neveu.
Il sera le seul garçon qui portera notre nom".
Ma belle sœur s'était confiée à mon épouse, le matin même, en lui demandant de respecter le silence car l'événement n'était pas encore confirmé.
Elle n'en était qu'au stade d'un simple retard de règles.
Mon neveu Manu vint au monde comme il fut dit, neuf mois après.