Chapitre 8: 1975 - Le secret de ma mère

Après les crises cardiaques répétées de ma mère, nous avions décidé de passer nos congés à ses côtés, évitant toutefois, grâce à notre organisation de lui rendre notre séjour pesant.

Ainsi,  partions-nous le matin avec ma belle-sœur et les enfants, pour pique-niquer à la plage de Bandol.
Baignades et rires égayaient nos journées.
Un jour, en fin d'après midi, au retour de plage, ma mère me prit par le bras et me confia son secret :
"Mon fils, il faut que je te dise quelque chose qui me tourmente depuis ce matin. J'étais comme d'habitude à la première messe. Je finissais mon chapelet et subitement j'ai assisté à un événement dont je ne sais encore si c'est un rêve ou une réalité.
Au moment où je finissais d’égrainer mon chapelet, je vis descendre vers le cœur une silhouette qui se mit à se mouvoir pour atteindre l'autel.  Puis, avançant vers moi, en poussant un enfant, je reconnus le Christ.
Et cet enfant, mon fils, c'était toi, petit."
Puis, elle se mit à pleurer.
Ces larmes, je le voyais bien, n'étaient pas des larmes de douleur mais des larmes de joie.
J'étais bouleversé de la voir ainsi.
Je me demandais si elle n'était pas souffrante?
Je  ne la contrariai pas. Je souris et lui dis: "A présent, me voilà le copain du Christ."
Elle me prit tendrement la main pour enchaîner: "C’est vrai mon fils... ne te moque pas de moi."
Elle ignorait pourtant tout de moi: ma vie de service et mon attachement au Maître.
Le lendemain, de nouveau à mon retour, elle me dit, avant même de m'écouter : "Je vis des choses, mais je ne peux en parler à personne. Cet après-midi, alors que j'épongeais le sol, en passant la serpillière, une main s'est posée sur mon épaule. J'ai sursauté car il n'y avait personne dans la maison. Mais en me retournant, j'ai vu ma mère... ta grand-mère, mon fils. "Nana" était là, à côté de moi."
J'avoue que ce comportement m'inquiétait.
Mais que pouvais-je dire, alors que je vivais les mêmes sensations.
Je méditai longuement sur ce sujet pour constater que ma mère était médium. Elle l’ignorait et ne se doutait pas que je l'étais aussi.
Nous vivions l'un et l'autre dans un monde inconnu dont la clé était en nous.
Ce monde mystérieux, je le vivais et le vis pleinement, avec ses souffrances dues au scepticisme et à l'intolérance des autres.
 Pour ce qui me concerne, je m'exécute sans hésitation aux demandes du Maître.
Je ne discute pas ses décisions ou ses distributions. J'entends par-là, lorsque la phonétique remplace la vibration musicale que j’ouïs ;  à l'instant même où je perçois la forme d'un langage  grammatical, il y a superposition de ces deux intensités vibratoires. C'est cette conjonction qui me fait prendre et respecter le " message "envoyé.
Il n'y a aucun effort mental à fournir.
Ainsi, ma compréhension devient totale, lorsque la fusion s'établit entre ces deux types d'expression.
Elle me noie dans une espèce d'euphorie du savoir. Je sais, oui j'arrive à savoir, sans chercher à savoir.
Il y a en moi, une communion totale, un automatisme naturel entre l’écoute du haut et le savoir du bas lorsque je me trouve dans le champ fertile de la compréhension.

J'appelle cela :     "LA PHONETIQUE VIBRATOIRE SUPRAMENTALE ".

Je suis convaincu, qu'un jour, une Force majeure nous entretiendra de la sorte.
C'est alors que la paix sur terre, sera !
Il n'y aura plus aucune contradiction dans l'entendement de l'espèce humaine. Une seule et même oreille distillera à la fois le son et la parole.
Accompagné du son, ce langage deviendra un jour pour l'homme, la seule voie pour atteindre la Paix de l’âme et du cœur.
C'est donc cette association intime, "digérée" par l'homme qui dirigera l'humanité tout entière.
Le libre arbitre de la pensée et de la parole sera orienté par cette forme de "PHONETIQUE VIBRATOIRE  SUPRAMENTALE ".

Et ma mère n'avait pas fini de nous surprendre et d'éprouver notre amour.
Voici que mes parents émettent, un jour, le souhait de nous rendre visite à Palaiseau.
Je pense que nous voir vivre dans notre maison, excitait leur curiosité.
Tout en craignant d'avoir à supporter les conséquences d'un nouvel incident cardiaque, nous pensions leur faire plaisir en les accueillant.
Ainsi fut fait.
Quelque temps après, un dimanche, nous étions réunis sur la terrasse de notre pavillon. Le repas venait de se terminer.
La chaleur ambiante nous conviait à la détente.
L'ombre scintillante du châtaignier balayait nos visages. Il ne manquait que le chant des cigales pour nous croire à Toulon.
Mon père reposait sur une couverture à même la pelouse.
Alors que ma mère racontait à ma femme mon enfance turbulente et mes comportements excessifs où les facéties ne manquaient pas, elle bascula brusquement en arrière comme frappée par une main invisible et perdit connaissance.
Affolés, perdus, nous étions là tous autour d'elle.
Une  ambulance arriva quelques instants après.
Je n'avais aucune idée du lieu où il fallait la faire hospitaliser.
L'ambulancier pris l’initiative de nous conduire vers Paris et nous conseilla l'hôpital Broussais.
Dans l'ambulance, je me tenais assis près d'elle, très inquiet, impatient d'arriver à l'hôpital.
Je me doutais du mal qui venait de l'atteindre. Je diagnostiquai une hémiplégie. En effet, son visage était déformé par un rictus du côté gauche et sa bouche déformée laissait échapper un souffle haletant.
Arrivée aux urgences le médecin l’ausculta durant un bon moment et confirma une hémiplégie.
Au même moment, ma mère revint à elle et fit un tour circulaire de son regard.
M'apercevant, elle se mit à parler avec peine et en maltais, sa langue maternelle: fait rare, car elle ne parlait chez elle qu’en français.
Après une longue attente en urgence, un cardiologue vint à son chevet, l’ausculta longuement sans mot dire.
Il  me prit à part et m'annonça qu'elle venait d'avoir une crise cardiaque avec de lourdes séquelles du langage.
Elle resta plusieurs jours hospitalisée dans le service de cardiologie.
Je lui rendais visite tous les soirs après mon travail, parfois accompagné de mon père.
Elle continuait à s'exprimer en maltais, et nous, mon père et moi, en français. C’était un dialogue de sourds.
Ce fut, pour ma femme et moi, une période très pénible et très lourde.
Mes frères et sœurs restés à Toulon ne cessaient de nous appeler pour avoir des nouvelles fraiches.
Accaparés par nos obligations professionnelles dans la journée, nous nous rendions, en toute hâte à partir de vingt heures à l'hôpital.
S'ajoutait à cela, l'impatience de mon père argumentant sans cesse sur l'état de santé de sa femme et décidé à repartir avec elle à Toulon.
Tout contribuait à dégrader une ambiance déjà bien tendue.
Car l'hospitalisation de ma mère se prolongeait et aucune amélioration encourageante n'était en vue tant au niveau de son parler que de sa paralysie faciale.
Il  fallut attendre un mois pour envisager son retour. Bien sûr, le médecin nous rassurait en soulignant que la parole reviendrait peu à peu et que des séances d'orthophonie amélioreraient sensiblement sa diction.
Finalement, je pris deux jours de vacance pour reconduire mes parents et confiai ma mère à son médecin traitant qui me parut très compétent.
Curieusement, je constatais avec Danielle que chaque fois que je retrouvais ma mère c'était pour vivre une nouvelle épreuve.
Ses malaises répétés augmentaient notre inquiétude de la voir disparaitre.
Et pourtant, une perception intime me rassurait, comme si une force nourrissait mon esprit et m'indiquait que le moment de la séparation n'était pas encore venu.
Alors, mon inquiétude se dissipait et l'optimisme revenait.