Il est difficile d’exprimer le souvenir d'une mère qui n'est plus.
Peut-être que ces lignes écrites pour elle, arriveront à témoigner mon amour et mon silence à son égard.
C'était une mère admirable. D'autres diraient que c'était une Sainte femme.
Après avoir mis au monde treize enfants (seuls sept survivront), usée par le labeur maternel, elle n'eut pas la chance de vivre aussi longtemps que je l'aurais désiré.
Je dis "aussi longtemps", mais est-ce bien ce qu'il faut écrire ?
Nous habitions avec mon épouse et notre fille à Fontenay aux Roses, installés dans un appartement de cinq pièces. Nous menions une vie tranquille une vie de gens simples et modestes.
Nous étions très heureux.
Pour la famille, nous étions ceux qui avaient réussi.
Une vie confortable aux yeux des miens, c'était du moins l'image qu'ils se faisaient de nous.
Mes parents vivaient à Toulon.
Mon père retraité, avait passé une bonne partie de sa vie laborieuse à l'arsenal.
Ma mère était très pieuse. Elle avait l'habitude, et c'était son rituel, de se rendre à la messe tous les matins. Elle disait qu'elle retrouvait là, la force d'élever ses enfants.
Au mois de mars 1969, au cours de circonstances vraiment irréelles, ma vie bascula du tout au tout.
Mon épouse se trouvait dans sa cuisine en train de faire la vaisselle, car à cette époque nous n'avions pas de machine à laver la vaisselle.
Je me trouvais dans notre salon, plongé dans une semi obscurité.
La télévision que nous louions éclairait d'une lueur blafarde le salon où je m'étais retiré.
Spontanément, j'eus, je ne sais pourquoi, le sentiment que quelque chose se passait chez les miens à Toulon.
Tout à coup, je vis apparaître une forme humaine qui se mouvait, là, devant moi.
Interloqué, je devinai le portrait de ma mère.
Elle était là, plantée devant moi sans mot dire.
Pourtant, ses lèvres bougeaient et je devinais qu'elle me parlait mais aucun son ne sortait de ses lèvres.
J'étais bouleversé, ému et frappé de stupeur. Tout en m’interrogeant sur le sens de cette présence, je me dirigeai vers la cuisine où s'affairait mon épouse, pour lui dire d'une voix mêlée de
sanglots: "Nouche, je viens, à l'instant, de voir apparaître devant moi maman».
Surprise par ce que je lui annonçais, elle me conseilla, pour me rassurer, de téléphoner. J’étais resté assis dans la cuisine en compagnie de mon épouse, mon esprit occupé par cette empreinte
maternelle.
Soudain je sursautai.
Le téléphone sonnait. Au bout du fil mon père d'une voix larmoyante me dit: "François, viens vite, viens vite à la maison, ta mère vient d'avoir une crise cardiaque. Je l'emmène à l'hôpital Chalucet,
viens vite."
J'étais encore sous le coup de cette vision qui m'avait tant troublé et ému à la fois.
Je promis à mon père de me rendre à Toulon le plus rapidement possible.
Sur le champ, alors que la nuit était avancée, ma femme me conduisit à la gare de Lyon pour me rendre directement à l'hôpital de Toulon.
C’est ainsi que commence ma vie bien heureuse qui devait, durant toutes les années qui suivirent, m'accompagner sur le chemin de lumière.
Cette révélation fut pour moi ce qui pouvait m'arriver de meilleur, malgré les souffrances que j'eus à endurer au travers de cette constante interrogation: "Seigneur, Maître pourquoi moi » ?
Je pris place dans le train qui devait me mener au chevet de ma mère.
Le voyage de nuit fut pour moi un long moment de passion, partagé avec cette présence que je ressentais auprès de moi.
Je pensais à maman. Et moi qui n'avais pas prié depuis des lustres, je me mis à prier. J’étais assis sur un siège qui vibrait au rythme des bogies et ma prière suivait ce tempo.
Cette nuit fut pour moi la révélation de ma vie.
Je n'ai jamais autant blasphémé. Je m'en prenais à Dieu, aux Maîtres, aux Saints, au Christ, enfin à tous ces occupants du ciel.
Comment osez-vous, vous en prendre à ma mère ? Elle qui vous prie tous les jours que Dieu fait.
J'étais révolté, et tout en l’étant, je me rassurais en priant, en demandant à Dieu de sauver ma mère.
Je n'acceptais pas les conditions de son départ qui s'annonçait.
J'étais fou, à l'idée qu'elle pouvait nous quitter dans de telles conditions.
Si «jeune», laissant derrière elle, ses enfants, son mari et son Dieu auquel elle croyait tant.
Ce voyage fut pour moi une longue procession dans la déchirure avec Dieu. Ma révolte était telle que je reniais le fils que j'étais pour le nouvel impie qui naissait en moi, à ce
moment-là. La lumière s’éteignit me plongeant dans la noirceur de l’âme révoltée puis, la fatigue aidant, je m'endormis et fus réveillé en gare de Toulon.
Aussitôt, je me mis en route pour l'hôpital afin de rejoindre mon père qui devait être au chevet de ma mère.
Oh ! Dieu, raison de ma présence ! Oh ! Dieu d'amour ! Ce fut pour moi l'une des plus belles journées de ma vie.
J'arrivai à l'hôpital et me dirigeai vers le service de cardiologie.
Tel un automate, je déambulai dans les couloirs du service pour enfin retrouver ma mère sous une «tente à oxygène" respirant à peine. Sa pâleur me fit craindre le pire, lorsqu'une voix m'interpella,
à l'autre aile de la chambre. Une brave femme alitée pour des raisons respiratoires se mit à me parler.
"Vous êtes François, votre maman a murmuré votre prénom toute la nuit. Elle vous appelait comme une forme de litanie.
Votre père a été là, près d’elle, il vient de la quitter pour aller chercher du linge afin de l’habiller."
Mais dis-je en sanglotant: " Elle n'est pas morte."
Tout en le disant, je m'approchai de son lit pour mieux la voir, car cette toile qui ressemblait à une moustiquaire cachait son visage.
Par le Christ roi, c'est à cet instant que ma vie a basculé. Maman ouvrait les yeux. A son regard, je compris qu'elle m'attendait.
Elle me fit signe de me rapprocher d'elle, puis me dit: "Donne-moi ta main."
La position dans laquelle elle était, me permit de lui tendre ma main droite qu'elle saisit de ses deux mains jointes.
Elle se mit à l’appliquer sur sa poitrine, par petites rotations qu'elle répétait sans cesse.
Mes yeux couverts de larmes, ne voyaient plus rien.
Au bout d'un bon quart d'heure, je vis ses joues se colorer. Son regard devint plus soutenu. Elle revenait à elle, j'étais totalement stupéfait.
En prenant la parole, bien doucement, elle me dit: "Mon fils, tu vois cette boîte, en m'indiquant l'objet. A chaque fois qu'ils me donnent ces pilules, je sens que je vais mourir."
Qu’à cela ne tienne, tu ne les prendras plus ! Prenant le contenu de la boîte, je le versai dans le lavabo.
Maman avait repris ses couleurs.
Je la retrouvais avec son sourire.
Pendant ce temps-là, mon père était revenu avec les vêtements destinés à sa dépouille. Le pauvre homme ne comprenait plus rien.
Quelques instants plus tôt il avait quitté une moribonde et voilà qu'à son retour, il retrouve son épouse "rayonnante ".
En quelques mots, je lui donnai des explications sur ce qui s'était passé durant son absence. Il n'en revenait pas.
Je voyais bien qu'il avait été secoué par les derniers événements. Mais il allait en vivre d'autres qui le secoueraient davantage.
Ce fut à cet instant pour moi, l’heure de vérité et de lumière. J’allais bouleverser à cet instant la vie de mon père.
Je ne sais ce qui me prit.
Une "voix" me disait : "Sors ta mère de cet hôpital et conduit la, à la Timone."
Je posai la question à mon père: "Qu’est-ce que La Timone ?"
C'est, me dit-il, un hôpital de Marseille.
"Bien, il faut que je conduise maman à La Timone."
"Comment ça, tu vois bien qu'elle n'est pas transportable", ajouta-t-il.
Je l’invitai alors fermement à signer une décharge afin d'extraire ma mère de cet endroit.
Bien entendu, nous rencontrâmes d’énormes difficultés pour obtenir sa sortie.
Après l'intervention du docteur de famille, nous prîmes, ma mère et moi, une ambulance pour nous rendre à la Timone.
Le chemin était tortueux. Nous empruntions l'ancienne route de Toulon à Marseille et traversions la garigue. .
Au cours de ce voyage, elle ne quitta pas un seul instant ma main.
Elle me fit part d'une présence à mes côtés.
Je ne voyais rien. Elle insistait pour me dire que "Nana" ma grand-mère, sa mère, était là, près de moi. Elle la voyait. Elle insistait face à ma perplexité.
"Je te dis que Nana est avec nous, elle nous accompagne... Où me mènes-tu mon fils ?... Où est ton père ?..."
Je constatais qu'elle retrouvait ses esprits.
Mais cette histoire de grand-mère qui nous accompagnait, je ne l'ai comprise que bien plus tard, lorsque je réalisai que maman était médium et qu'elle l'ignorait.
C’est en vivant des moments identiques et insolites que je réalisai que j'étais moi-même "branché» et que mes agissements spontanés relevaient de cette même source.
Maman, sans le savoir, m'initiait à la médiumnité qui ne cessa par la suite de s’enrichir. Je devins l'instrument, l'outil de forces dont je n'avais aucune idée.
La suite du voyage et l'arrivée à la Timone me le confirmèrent.
L’ambulance nous déposa directement au bâtiment du service de cardiologie.
Je pris maman dans mes bras et escaladai les marches de l’escalier intérieur sans me rendre compte qu'il y avait un ascenseur.
À ce moment, je n'étais plus moi-même.
Guidé par je ne sais quelle inspiration, je pris un couloir et lus au-dessus de l'entrée "Service du Professeur N.".
J'étais totalement conduit. Une voix m'indiquait le parcours à emprunter. Et là, une chambre vide... Un lit bien propre... prêt à recevoir son malade.
Je n'ai nullement réfléchi à ce que je faisais.
Je couchai maman dans ce lit et me mis en quête de trouver la ou le responsable de ce service.
Enfin une brave infirmière me demanda ce que je faisais là en dehors des heures de visite. Elle me sermonna gentiment.
J'expliquai en quelques secondes mon cas.
Je n'avais procédé à aucune prise en charge hospitalière et me trouvais donc en infraction vis-à-vis de l'administration.
J'étais perdu dans mes réactions incontrôlées.
La brave infirmière se révéla être l'infirmière en chef du service.
Elle m'accompagna au chevet de ma mère qui, bien entendu, ignorait tout de mes agissements.
"Mais comment avez-vous osé occuper un lit sans aucune autorisation" me répliqua l’infirmière.
À cet instant, je vis arriver un médecin, stéthoscope au cou qui s'étonnait du ton que prenait notre entretien.
J’avais face à moi le Professeur Nègre, mais je l’ignorais.
Je ne sais ce qui me prit à cet instant.
Je ressentais le besoin de parler à cet homme.
Je lui donnai toutes les explications concernant ma présence dans son service et, sans attendre sa réponse, je me mis à débiter un flot de paroles.
Je me surpris à lui communiquer le diagnostic de l'état de santé de ma mère.
Tel un spécialiste en cardiologie, je lui décrivis tous les maux dont elle souffrait.
"Voyez-vous, elle souffre d'une insuffisance du myocarde côté gauche. Cette insuffisance mitrale provoque des points de tachycardie qui entraînent des manques respiratoires. En un mot, dis-je, le
cœur est bien gros et pour y remédier, il faut prescrire un traitement pour fluidifier le sang et permettre ainsi au flux sanguin d'alléger l’effort cardiaque.
Je me demandais où j'allais chercher tout cela.
Le professeur, interloqué, devait à cet instant se demander s'il n'avait pas à faire à un excité.
Mon comportement, mon intervention, me laissaient tout penaud devant cet homme.
Il ne quittait pas des yeux l'infirmière d'un regard complice.
Celle-ci me fit reprendre mes esprits en me disant:
« Monsieur, si vous voulez que votre mère reste dans ce service, je vous demande de procéder à son hospitalisation. Rendez-vous donc au service des entrées pour sa prise en charge ».
Je m'aperçus, soudain, que je n'avais aucun papier, aucune pièce d'identité ni de carte de sécurité sociale.
« Madame, je n'ai pas de pièces justifiant l'identité de ma mère. Dès demain matin, je procéderai à son admission ».
Ceci n'était vraiment pas sérieux.
Visiblement, mes interlocuteurs ne savaient que penser de mon comportement.
J'embrassai maman et pris congé de l'infirmière en lui promettant de tout régulariser le lendemain matin dès la première heure.
De retour à la maison, je retrouvai mon père très inquiet. Il est vrai que j'étais parti de l'hôpital Chalucet dans l’ambulance, sans l'informer de mes intentions.
Je le rassurai donc en lui narrant les faits et lui indiquant où se trouvait maman que je devais revoir le lendemain matin.
J'étais dans un tel état de nervosité...
Je m'endormis aussitôt afin que le lendemain je sois vite à pied d’œuvre.
Muni des papiers administratifs, carte d'identité, sécurité sociale et décharge signée par mon père, je fis rapidement le nécessaire au bureau des entrées de l'hôpital.
Je retrouvai maman dans son lit, le visage plus coloré. Elle semblait mieux que la veille.
"Dis-moi... mon fils, qu’as-tu raconté à l'infirmière et au docteur ? Ils m'ont demandé si tu étais docteur" ?
Bien entendu je ne l'étais pas et fus très surpris de m'entendre dire « cher confrère » lorsque le professeur m'interpella:
« Votre diagnostic était exact, il y a bien une insuffisance mitrale de l'oreillette gauche, la valvule est défaillante. Nous allons commencer par lui administrer un traitement qui devrait lui faire
du bien en lui fluidifiant le sang. Nous soulagerons ainsi le travail du cœur ».
Il me laissa auprès de maman.
Son hospitalisation dura une bonne semaine puis elle rentra chez elle avec un traitement que lui avait administré le professeur Nègre.
De retour chez moi, je ne cessai de me poser un tas de questions sur mon comportement.
Pourquoi et comment me suis-je engagé dans cette aventure ?
Ce sentiment profond que je n'avais pas été seul durant cette journée me ramenait sans cesse à me poser la question.
Comment avais-je pu déterminer le diagnostic de cette insuffisance cardiaque ?
Par quelle opération du Saint Esprit l'hospitalisation s’était-elle faite alors que je ne connaissais rien à cet hôpital, le découvrant pour la première fois.
Il y avait vraiment de quoi se poser un tas de questions.
Mais hélas, j'avais beau tourner et retourner le problème, je n'avais aucune réponse.
Au cours des jours et des mois qui suivirent ces événements, je fus plongé dans un état d’incompréhension total.
Pourtant, au fond de moi quelque chose me disait qu'il ne fallait pas me poser tant de questions.
Au fur et à mesure que les jours s'écoulaient, une impression d'être habité surgissait au fond de moi.
Je prenais conscience que je n'étais pas moi, mais lui.
Mais, qui lui ?
Tout le cheminement de cette intervention passait et repassait dans mon esprit: la vision de ma mère apparue dans mon salon, mon voyage nocturne pour la rejoindre à son chevet, cette femme qui me
demandait si j'étais bien François, cette imposition de ma main sur la poitrine, le voyage en ambulance pour rejoindre Marseille, cette arrivée dans le service, cette rencontre avec le professeur.
Tout cela me dépassait. J'en restais pantois.
Je reprenais point par point les différentes phases de cette journée sans que je sois davantage rassuré sur mes interventions.
Je pense que je n'étais pas encore en mesure de prendre conscience de ce qui se passait en moi.
C'est en fait la révolte que j'avais manifestée à l'égard de Dieu qui me vint un jour à l'esprit.
Mais oui, voyons, n'étais-je pas celui qui blasphéma au rythme des bogies dans ce compartiment plongé dans l'obscurité.
Et si c'était lui qui s'était manifesté et qui était là à présent.
À force de ressasser ces pensées, je finissais par perdre la raison.
Je me mis à prier selon l'éducation que j'avais eue à la catéchèse. J'avoue que ces prières étaient dites en remerciement. J'étais, je le souligne, perdu, perdu, perdu.
Toutefois, je tenais à ce que mon épouse soit elle-même au courant de tout ce que je vivais.
Elle acquiesçait bien entendu. Il ne fallait surtout pas me contredire...
Au cas où...
Les vacances d'été s'annonçaient.
Nous avions décidé, ma femme et moi, de les passer en famille à Toulon pour réconforter maman.
Ma sœur Cécile devait camper dans la région avec enfants et mari.
C'était également pour moi l'occasion de la revoir.
Devais-je la mettre au courant de ce que nous venions de vivre ?
En fait, elle allait, elle aussi, vivre des moments suffocants en ma présence au cours de notre séjour.
En ce mois d'août 1969, il se passa un événement troublant.
Nous avions l'habitude de passer nos journées à la plage.
Nous préparions chaque jour notre sac de victuailles pour notre pique-nique à la mer.
Cécile était avec sa petite famille au camping.
Notre séjour s'écoulait gentiment.
Maman allait bien. Elle suivait son traitement normalement.
Nous avions pris l'habitude de rentrer en fin d'après-midi avant la sortie des bureaux, afin d'éviter les embouteillages.
Quelle ne fut pas ma surprise en rentrant à la maison ce jour-là, de constater l'absence de ma mère.
Papa, complètement affolé, nous expliqua qu'elle avait eu un malaise et qu'elle avait été conduite de nouveau à l'hôpital Chalucet.
Décidément, il fallait que nous soyons là pour partager ses malheurs.
Ma sœur Cécile arrivant à l'instant où je m'apprêtais à partir pour l'hôpital décide de m'accompagner.
Très inquiets, nous demandons, à notre arrivée, le service où ma mère avait été affectée.
Nous finissons par le trouver et nous dirigeons vers le bureau de l'infirmière de garde.
Celle-ci en effet nous confirme que maman avait bien été hospitalisée dans son service, mais qu'elle avait été conduite ailleurs, compte tenu de son "comportement", après un léger incident
cardiaque.
Nous nous dirigeons donc vers cet endroit.
Nouvel étonnement lorsque nous apprenons que ce nouveau service est réservé aux personnes présentant une déficience mentale.
Immédiatement, j'interroge l'infirmière:
« Pourquoi est-elle là ? Qui a pris la décision de la mettre dans ce service de malades mentaux ? »
On nous répond qu'à la suite de son malaise, elle semblait avoir perdu la tête et qu’en attendant de retrouver son calme et ses esprits le médecin avait décidé de "l'interner".
La colère me prend. Nous nous mettons ma sœur et moi à sa recherche dans ce service... de psychiatrie.
Là, se trouvent toutes sortes de personnes, certaines ligotées, d'autres totalement nues sur leur lit.
Nous découvrons maman dans cet état, sur un lit, complètement apeurée, tremblante de tous ses membres.
Lorsqu'elle nous aperçoit, Cécile et moi, elle baragouine quelques mots dont je saisis mal le sens et pour cause, elle nous parle dans sa langue maternelle, le Maltais.
Je réagis tout de suite auprès de l'infirmière responsable, lui précisant que ce qu'elle prenait pour des incohérences mentales provenait de son incapacité à comprendre les réponses de ma mère qui
parlait en Maltais.
Devant l’incompréhension de l'infirmière, agacé, je reviens avec Cécile vers maman.
J'étais dans un tel état d'excitation, que j'aurais pu gifler l’infirmière qui ne nous quittait plus.
Sur ce, je lui demande l'autorisation de reconduire ma mère chez elle arguant que son médecin traitant viendrait lui rendre visite.
Devant sa réticence, je prends la décision " d'enlever " maman à son insu pour la sortir de ce trou infecte.
Je mets au point avec Cécile la façon de procéder. Elle s'occuperait de trouver un taxi, puis postée devant l'entrée de l'hôpital, elle m'attendrait.
L'infirmière, sentant que la situation s'envenimait, alla chercher de l'aide.
Là, je refis le scénario de l'hôpital de La Timone, avec maman dans mes bras, enveloppée d'un drap.
Descendant l'escalier intérieur, je me retrouvai dehors, dans la Cour de l'hôpital, courant vers la sortie.
Là, m'attendaient Cécile et son taxi.
Comme des malfrats, après un hold-up, nous démarrâmes en trombe.
Une fois arrivés à la maison, nous appelâmes le docteur D. qui vint aussitôt.
Quelques jours après, tout revenait dans l'ordre.
À nouveau, je me posai toute une série de questions.
Pourquoi devais-je vivre ces événements avec ma propre mère ?
Pourquoi ces impulsions... ces agissements incontrôlés me rendant incapable de mesurer les risques et torts subséquents ?
Pourtant, vint le jour où je fus enfin "libéré", où j'eus toutes les réponses.
Il fallait que je vive, à nouveau, d'autres événements pour qu'enfin on veuille bien m’alimenter.
La connaissance ne s'apprend pas, elle se découvre et s'enrichit mais ne fait pas partie de notre savoir ou de notre fait. Elle appartient à ces " Forces cosmiques" qui nous guident tout au long de notre vie sur Terre.
Ces turpitudes durèrent en tout sept années.
Un cycle dans lequel, je devais être en permanence à l'écoute.
Cette écoute ne me gênait guère dans ma vie et, en particulier, j'arrivais sans effort à répondre d'une certaine façon à mes obligations professionnelles qui étaient celles d'un responsable de
service comptable au sein d'un groupe très important.
Nos charges professionnelles communes nous confortaient, ma femme et moi, dans notre vie familiale.
Valérie, notre fille, grandissait avec ses problèmes d'adolescente.
Nous travaillions pour nous permettre d'acheter un pavillon.
Graduellement, nous prenions l'un et l'autre, des responsabilités qui furent toujours récompensées.
C'est en 1972 que nous décidâmes d'acquérir une maison.
Fait troublant que je me dois de raconter afin que vous lecteurs puissiez à votre tour vivre cette évolution qui fut la mienne et cela, en conformité avec ces forces qui m'habitent depuis lors.